Mercredi 19 août, Saint-Lô
Le jardin demande beaucoup d'attentions que maman ne peut fournir seule. Alors, je tonds la pelouse et transpire à grosses gouttes pour vaincre le gazon. Bien plus pour lui faire plaisir, à maman, que pour changer de carrière ! Tout est calme ici, aux portes de la ville. Les voisins s'approchent pour me saluer par-dessus la haie, parler de la pluie et du beau temps, demandent des nouvelles de maman, me livrent un rapport précis du voisinage, très cruel parfois et m'offrent quelques tomates de leur jardin extrêmement bien tenu par monsieur. Maman et moi, on aime les tomates. Bien plus que nos voisins, en général.
Je shoote dès qu'un modèle m'inspire et ose s'embarquer dans mon projet plutôt sombre. On ne sourit pas sur mes photos, on pose, on joue, on regarde à gauche, puis à droite. On simule l'abandon et la solitude. C'est tout noir et blanc, comme les vieux films à la télé. Certaines se concentrent, d'autres ont plus de mal à y croire. Si un jour j'abandonne la musique, je me tournerai peut-être vers le photojournalisme ou la photographie plus généralement. Trop peu pour moi les clichés ridicules du photographe du coin, des mariés de l'an 2000 heureux et hilares sur la botte de paille ! J'aime que le corps se mêle au décor, que l'ambiance soit lourde ou douce, mais que l'ambiance soit ! J'ai hâte de faire partager ce travail, cette autre facette là.
Mon choix est fait. Je sais avec qui j'enregistrerai l'album. Je rêve que le minimum de gens interviennent lors de l'enregistrement et ai définitivement pris le parti de ne rien écrire, pas un mot, sur ce disque. De faire chanteur. C'est déjà beaucoup. Et j'ai bien envie de m'appliquer comme jamais je ne m'étais appliqué. Ca sentira Colette, la douceur, la vanille, l'amour, le vent frais de l'hiver et même peut-être un peu moi. J'ai comme la sensation de faire le disque de ma vie, au-delà du fantasme de faire un disque dans ma vie. Nuance. Mon ami Pierre Faa est tellement tout ce que j'aime... Je ne le décevrai pas, lui l'amoureux des mots et le mélomane averti.
Clotilde est libre, mais reste en attente de son jugement. Tous les journaux titrent sur elle encore aujourd'hui. Je suis convaincu quand je regarde le visage de cet Ange qu'est Clotilde Reiss, de sa pureté et de sa beauté intérieure, de son amour si grand pour le Proche Orient et l'Iran, pour la culture Persane. Humiliée, face à ses juges, Clotilde est restée digne, est restée femme. Et moi je suis resté impressionné, et ému de l'entendre s'expliquer, un peu comme une épreuve d'oral à la Fac. Je suis certain qu'elle ne leur en voudra pas, à ces hommes de loi, à cette justice làn ni à cette dictature Iranienne. Clotilde est plus forte que ça, c'est aussi ce qui la rend belle. Elle aura le coeur serré quand elle reprendra l'avion et laissera sur place ses amis, qui rêvent d'un peu de liberté...