Ca pue la nuit.
Ca pue la nuit, il pleut des cordes. Es-tu à l'autre bout, comme l'écrivait l'ami Renard ? Je suis insomniaque, je cauchemarde, je me tourne dans tous les sens : je rêve qu'une voiture beige me percute violemment, et à chaque fois les mêmes gouttes qui perlent sur mon front. Les gens ont bu, moi pas. C'est triste et désolant quand ils titubent et se noient dans l'amer. Il y a de la musique, quelques voitures passent. Je m'allumerais bien une clope histoire de, pour que s'exprime un peu ma toux et en faire voir à mes poumons.
Les gens me regardent, me dévisagent. Je ne les supporte plus et un jour, j'en giflerai un. Comme ces cons de voisins qui braillent et n'ont pas de couilles au cul. Je lui ferai avaler ces lunettes, moi, à l'autre con et à son Bernardo de mes deux. Ils me fatiguent le coeur et l'esprit. On me prend en photo à dix mètres avec un téléphone dernier cri, sans me demander mon avis, ça se marre "c'est bien lui", comme si je leur appartenais un peu. Je leur offre majestueusement mon majeur, qu'ils aillent se faire voir. Certains font le déplacement au QG comme d'autres vont visiter un zoo. N'est pas le chimpanzé Cheetah qui veut ! Je sature et là encore, je vomis.
Une ampoule éclate au-dessus de ma tête, j'irradie peut-être la pièce. Je ferai bien de rentrer dans mon chez moi, peut-être trop vaste et trop somptueux. Je me regarde dans la glace, je n'ai pourtant pas honte de moi. Je suis un peu trop barbu. Je m'assume moi et mes choix, je n'ai pas à rougir d'un parcours long et laborieux. Les cons ne retiennent que quatre mois : eux qui se prennent pour la crème, l'élite, ces blaireaux d'intellos. J'ai le souvenir de mes dîners avec Delanoë, Sustrac, Sevran, Peyrac : eux savent d'où je viens mais eux n'écrivent pas dans les journaux et ne décident de rien. Mais je les aime. Encore.
J'enterrerai mon album dans un peu moins d'un mois et ne recevrai de fleurs de personne. Pierre Faa partagera mon chagrin, les autres s'en foutent comme de l'an quarante, et sont déjà loin. Aucun compte à rendre, aucun euro à verser : je suis libre, clean, ne touche plus à rien et si mes ailes sont fragiles je ne vendrai mon âme à personne. De toutes façons, elle n'est pas à vendre et personne n'ira l'acheter. Réalisme de la vie, quand tu nous tiens...
Il fait froid, je suis trempé. Les gens me dévisagent, pendant qu'un gamin vomit ses tripes. Es-tu à l'autre bout ? Il fait sombre tout autour, la voiture approche... Des intellos la conduise, mes ailes ne me portent plus. Parfois, je préfèrerais mourir.